Métiers et emplois de demain : la grande inconnue
Une ribambelle d’experts, futurologues, politiques et chercheurs se penchent depuis plusieurs années sur une question lancinante : quels seront les travails et métiers de demain ? Plusieurs études récentes, venant d’Amérique du Nord, extrapolent les besoins de nos sociétés d’ici 20 ans, et imaginent des métiers aux appellations parfois insolites, comme le désorganisateur ou expert en « chaos désorganisé », le coach en curiosité, ou le thérapeute en désintoxication digitale … très majoritairement réservés à des hauts diplômés.
Plus concrètement, nos politiques se sont penchés sur la question et ont débattu récemment au Sénat, sur la base d’un rapport intitulé « Quels travails pour demain ? », publié en juin 2014. Alors que, pour Olivier Cadic, « L’expression « travails de demain » devrait résonner comme une promesse, surtout auprès des plus jeunes pour lesquels elle rime avec « métiers auxquels les parents ne comprennent rien »», Alain Fouché, auteur du rapport, rappelait une des conclusions de son enquête lors du débat au Sénat : « On ignore largement quels seront les métiers de demain. Entre un tiers et 70 % de ces métiers sont encore inconnus ». A l’issue de ses travaux, le rapporteur dégage ainsi « deux grandes tendances : des perspectives très élevées d’embauche dans les nouvelles technologies, le numérique et l’informatique – il manque 30 000 travails dans ce secteur – et des débouchés importants pour les services à la personne, en raison du vieillissement de la population (…). Pour le reste, travail industriel, professions intermédiaires, les perspectives sont plus floues ou contradictoires ».
Pour sa part, Pierre-Yves Collombat soulève le paradoxe actuel d’une société qu’on prédisait de loisirs. Au lieu de s’affranchir du travail, explique-t-il, « on travaille encore plus, on a créé des travails inutiles ou sans intérêt, des « jobs à la con », selon la citation d’une prospectiviste, placée (…) dans votre rapport. Parmi ces travails inutiles, les directeurs généraux des entreprises, les huissiers de justice, les télémarketteurs, les lobbyistes, les chargés de relations publiques… ». Des métiers appelés à disparaître ?
En attendant que l’avenir advienne, le fossé continue de se creuser entre « des travails hyper-qualifiés d’un côté et de l’autre une tendance à la baisse de la qualification des ouvriers et employés », note Dominique Watrin. Les dégâts annoncés en termes d’travail par l’avènement de la nouvelle robotique lamineront bientôt les « cols blancs ». Olivier Cadic se tourne vers les USA pour prédire notre avenir, dont les rois seraient « les « cols d’or », selon le terme inventé par Richard Florida, professeur à l’université de Columbia. Ces architectes, développeurs, directeurs artistiques représentent déjà 30 % de la population active aux États-Unis, mais 50 % des salariés et 70 % du pouvoir d’achat. C’est la nouvelle creative class ! ».
Quels qu’ils soient, ces métiers de demain n’existeront que par la force des entreprises qui les recruteront. Ce ne sont donc pas les boules de cristal qui créeront l’travail. « Nous avons trop de futurologues et pas assez d’accoucheurs », traduit François Rebsamen, le ministre du Travail et de l’travail.

